Tout naturellement, le séjour de Van Gogh à Auvers-sur-Oise, de mai à juillet 1890, est toujours centré sur… Van Gogh. Lorsqu’on s’intéresse à ses faits et gestes, bien documentés par ses lettres et les commentaires de ceux qui l’ont connu, on plonge dans une multitude de détails qui suffisent en soi à fournir une très belle idée des réalités qui étaient les siennes, et par conséquent de mieux comprendre ses tableaux.
Mais l’historien que je m’efforce d’être s’intéresse aussi – et parfois davantage – au contexte général dans lequel Van Gogh a créé ses chefs-d’œuvre.
Éphéméride sélective relative au séjour de Vincent van Gogh à Auvers-sur-Oise (mai 1890 – juillet 1890)
Nota bene : le choix présenté ici est une sélection opérée ans les faits survenus dans l’entourage de Vincent van Gogh, ainsi qu’une coupe transversale de l’actualité internationale, nationale et locale. Les événements retenus éclairent le contexte historique du séjour de Vincent van Gogh à Auvers-sur-Oise.
Jeudi 30 janvier
Le Cabinet d’affaires de M. Pichard, notaire à Pontoise, enregistre la vente du fonds de commerce du Café de la Mairie (marchand de vin et bureau de tabac) par monsieur et madame Levert, demeurant à Auvers-sur-Oise, aux époux Ravoux-Touillet, demeurant à Menucourt. L’entrée en jouissance du fonds de commerce a été fixée au premier février 1890. (Le Progrès de Seine-et-Oise, n°274, 1er février 1890)
Mercredi 26 mars
Un projet de loi est déposé à la Chambre des députés pour réglementer l’utilisation des raisins secs importés dans la fabrication du vin. La loi permettra de garantir au peuple français, et notamment aux travailleurs, un vin sain et fortifiant. (Le Cri du Peuple, 27 mars 1890)
Mardi 15 avril
L’Intransigeant publie un bref article critiquant les dysfonctionnements « scandaleux » du service téléphonique de Paris. Les communications les plus rapides sont données après quinze à vingt minutes d’attente.
Jeudi 15 mai
Dans L’Intransigeant, Edmond Jacques écrit que l’œuvre la plus considérable du Palais des Beaux-Arts, au Salon du Champ de Mars, est Inter artes et naturam, de Puvis de Chavannes. « La Poésie, la voilà. On s’y baigne. On voudrait s’y noyer. »
Mardi 20 mai
Le Tribunal Correctionnel de Pontoise, dont dépend Auvers-sur-Oise, prononce 25 peines de prison ferme pour des délits divers : vagabondage, mendicité, vol de lapins et d’asperges, coups et blessures, tromperie, escroquerie, adultère, ivresse, bris de clôture, port d’arme prohibée (une canne épée) et outrage à agents.
Lundi 26 mai
L’ancien chancelier Otto von Bismarck déclare à la presse française que « la situation est parfaite en Europe ». « Jamais l’Allemagne n’attaquera la France. » (L’Avenir de Pontoise, numéro 22, 1 juin 1890)
Samedi 31 mai
La date de l’ouverture de la pêche est publiée : le lundi 16 juin. À titre exceptionnel, les pêcheurs à la ligne ne seront pas verbalisés le dimanche 15 juin.
Mardi 3 juin
À Vauréal, à 17 kilomètres d’Auvers-sur-Oise, Narcisse Huppé, célibataire de 58 ans, est retrouvé pendu dans sa grange. Le Régional de Beaumont-sur-Oise du 5 juin 1890 écrit : « Ce garçon, qui avait déjà été enfermé dans une maison de santé, n’était pas complètement guéri. On peut donc attribuer son suicide à une attaque de folie. »
Dimanche 8 juin – lundi 9 juin
Fête au hameau de Butry, commune d’Auvers-sur-Oise, avec concert de la fanfare, jeux et bal.
Mardi 17 juin
À dix heures et sept minutes du matin a lieu une éclipse partielle du soleil, qui prend la forme d’un croissant.
Mercredi 25 juin
Le corps d’un habitant d’Ermont (commune proche d’Auvers-sur-Oise), est retrouvé près d’un taillis. Après enquête, il apparaît que l’infortuné s’est suicidé à l’aide d’un révolver, en se tirant deux coups dans la région du cœur. (Le Progrès-de-Seine-et-Oise, numéro 295, 28 juin 1890)
Dimanche 29 juin
L’abbé Tessier, curé d’Auvers-sur-Oise, organise une messe exceptionnelle, en musique, à l’occasion d’une souscription destinée à l’acquisition d’une seconde cloche pour son église. (L’Avenir de Pontoise, N° 27, 6 juillet 1890)
Lundi 7 juillet
La Chambre des députés discute d’un projet de loi destinée à limiter les heures de travail dans la semaine pour les femmes et les enfants dans les manufactures, ainsi que de l’instauration d’une journée hebdomadaire de repos absolu.
Lundi 7 juillet
À Auvers-sur-Oise, la jeune Charlotte Fayolle, âgée de deux ans et demi, est tombée dans une chaudière d’eau bouillante destinée à cuire le boudin. Elle est décédée le lendemain à la suite de ses blessures.
Mardi 1er juillet au mardi 8 juillet
Un total de 14 individus sans domicile fixe sont condamnés à diverses peines par le tribunal de Pontoise, pour vagabondage, coups, vol d’osier, outrage envers garde-pêche, ivresse, violence envers garde-champêtre, tapage injurieux et nocturne, mendicité, rébellion, bris de clôture, abus de confiance et vol d’artichauts.
Jeudi 10 juillet
L’Écho Pontoisien (N°28) publie l’épilogue de son feuilleton L’Auberge de la mort. L’histoire se termine par le double suicide de Lucien et Marceline, d’un coup de revolver dans le cœur.
Mardi 15 juillet
La Chambre des députés vote une loi permettant de conserver sur le Champ de Mars les monuments installés à l’occasion de l’exposition universelle de 1889.
Jeudi 24 juillet
Soutenance de thèse du docteur Joseph Jean-Baptiste Mazery à Paris (Annuaire de Seine-et-Oise 1891).
Vendredi 25 juillet – samedi 26 juillet
Installation de Joseph Jean-Baptiste Mazery à Auvers-sur-Oise. La tentative de suicide de Van Gogh du dimanche 27 juillet motivera sa première intervention en urgence.
Mercredi 30 juillet
Le Figaro relate le vote de la chambre des députés de Belgique, octroyant à l’État Indépendant du Congo, propriété personnelle du roi Léopold II, un prêt de 25 millions de francs-or pour poursuivre l’œuvre coloniale. Dans l’accord, il est prévu que l’État Indépendant du Congo reviendra à la Belgique en cas de non-remboursement, ou bien à la mort du souverain, qui renoncerait alors généreusement à toute compensation pour les sacrifices qu’il a consentis.
Samedi 2 août
Le Petit Parisien publie le fait divers suivant : « Un artiste peintre nommé Willem-Vincent Van Gogh, âgé de trente-sept ans, sujet hollandais, pensionnaire chez le sieur Ravoux, aubergiste à Auvers, après être sorti pour se promener, rentrait à sa chambre tout défait et déclarait que, fatigué de la vie, il avait tenté de se suicider. L’aubergiste fit appeler immédiatement un médecin, qui constata que cet homme portait une blessure au-dessous du sein gauche ; il s’empressa de soigner la blessure, qui avait été produite par un coup de feu, mais, malgré tous les soins prodigués, cet homme, qui paraissait souffrir d’une maladie mentale, est mort hier des suites de sa blessure. »